En 2001, j'ai pris ma retraite, mais je n'ai jamais coupé les ponts avec l'enseignement: l'aide aux devoirs auprès de jeunes élèves a maintenu le lien. En 2011, pendant six mois, j'ai vraiment repris du service en devenant répétiteur dans une école de Tachkent, en Asie centrale. Ce fut une expérience assez rude mais qui m'a fait découvrir et apprécié ce type de travail. Aussi, en 2013, lorsqu'on me proposa une mission au Juvénat, ce fut avec grand plaisir que j'acceptai. Et je ne fus pas déçu...
Etre répétiteur, une chance?
Imaginer ce qu'est la vie d'un professeur retraité est aussi aisé. Apparemment, une vie de rêve. Des grandes vacances en continu. Il peut utiliser tout ce temps libre pour se consacrer entièrement à ce qu'il aime: lire; aller au cinéma, au concert, au théâtre; faire du sport ou son jardin; voyager, souvent beaucoup voyager; vivre en famille, rencontrer ses amis...Les possibilités sont innombrables et permettent de l'occuper pendant de longues années. Toutefois, il peut arriver qu'il se pose quelques questions: comment se porte mon esprit? Est-il toujours vif et curieux? Tous ces jeunes que j'ai fréquentés, ne me manquent-ils pas alors que je vis au milieu d'une génération vieillissante? Si j'ai conservé quelques compétences, ne pourraient-elles pas être encore utiles?
Imaginer alors pourquoi un professeur retraité devient répétiteur – par exemple à Nouméa – devient chose plus facile. La perspective de partir à l'autre bout du monde ravit son goût des voyages. Sa mission, surtout, devient une réponse à ses questions. Au quotidien, il va retrouver des jeunes filles et des jeunes gens à qui il va pouvoir transmettre son savoir; pouvoir apprendre à les connaître peu à peu, découvrant leurs goûts, leurs attentes, leurs préoccupations. Pour ce faire, il les rencontre individuellement et la relation peut devenir plus confiante et plus chaleureuse....Intellectuellement, c'est aussi pour lui un sursaut. En fonction des besoins, ses connaissances se remettent en place et il est amené à explorer de nouveaux domaines. L'agilité de son esprit est constamment sollicitée, sautant d'un sujet à un autre, devant trouver rapidement des solutions à des exercices variés, veillant à être compris. C'est pour lui une occasion unique de pratiquer une gymnastique de l'esprit quotidienne.
L'ultime question – suis-je encore utile? - se résout d'elle-même. A l'évidence, le professeur retraité devenu répétiteur a retrouvé une utilité certaine et la gratitude de ces jeunes en est la marque. Alors, être répétiteur, c'est vraiment une chance.
Jean-Marie CHAPELLE
